Pagayeur d'Iroise

lundi 6 août 2012

De Phare à Phare

Ce périple réalisé par 3 kayakistes de ma connaissance montre bien que l'aventure peut être aussi bien près de chez nous. Mais laissons à Framboise, une amie de Polo le phoque et Mimi l'Otarie, nous raconter cette randonnée.
DE PHARE A PHARE
Aller-retour Brignogan-Ile Vierge en kayak - 21 juillet 2012

La toute nouvelle section kayak Loisirs-adultes du CNBP, créée il y a un an, vient de réaliser un petit exploit: relier Brignogan à l'île Vierge aller-retour, dans la même journée, soit une soixantaine de kilomètres!!!
crédit photo Framboise
Composée d'adultes débutants ou expérimentés, auxquels se joignent pendant les vacances scolaires quelques ados ou étudiants, et quelques touristes de passage, la jeune section avait pu l'été dernier organiser quelques belles sorties sous l’œil curieux de quelques phoques: Plounéour, Goulven, le Phare, Meneham, Aber Wracʼh, Stagadon... Le but étant d'apporter aux participants les bases techniques et de sécurité dans le maximum de plaisir et de convivialité, tout en faisant connaissance avec la faune et la flore locales.

La météo de ces derniers mois avait limité les balades hors baie, mais permis d'approfondir les techniques de pagayage, de récupération, d'orientation, et la façon de préparer une sortie.
Aussi lorsqu'enfin la météo se mit à l'heure d'été, il fut brutalement décidé, la veille au soir, d'accompagner la rando Phare à Phare organisée par les marcheurs de l'association Randonnée et Patrimoine de Brignogan-plages, ce samedi 21 juillet.

Étudier les cartes marines et les prévisions météo, relever les horaires de marée, calculer les niveaux d'eau (pour ne pas se retrouver au sec au milieu des rochers jusqu'à la prochaine marée...), préparer les kayaks et tout le matériel de sécurité conforme à la division 240 (navigation jusqu'à 6 miles d'un abri), occupa une partie de la soirée. Il fallait prévoir aussi pique-nique, boissons, barres de céréales, ne pas oublier vêtements de rechange et d'arrivée, chapeaux, lunettes et crème solaire... Et aussi organiser le retour en voiture des pagayeurs et des kayaks (parce qu'à ce moment-là on ne pensait pas revenir en kayak! Et parce qu'il faut toujours avoir un plan B en cas de problème.)

En l'absence des indisponibles trop tard prévenus, ce furent deux kayakistes expérimentées qui prirent le départ de bon matin de la plage du Scluz à marée haute, un peu avant la renverse, pour faire escale au Phare où les rejoignit un troisième et les accueillirent les marcheurs autour d'un sympathique stand de café et viennoiseries. Photos “officielles” dans nos jolies tenues gilet-jupette-chapeau lunettes.
Départ du phare à 8h50, tranquille.... Un groupe de trois kayakistes, c'est correct question sécurité. Mais dans un groupe il faut un responsable pour les décisions d'urgence ou de nécessité, s'appuyant quand c'est possible sur les compétences et avis de chacun.
Sur le pont des kayaks: compas, cartes marines, bout de remorquage, et pagaie de secours. A portée de main: corne de brume, miroir, feux à main, coupe-vent, paddle-float, écope ou pompe. Dans le gilet: poche à eau, céréales, couteau.
Téléphone éteint dans un caisson pour les communications à terre. Et VHF en bandoulière qui nous délivre des avis sécurité, sécurité (ouf, rien de grave) et les commentaires des plaisanciers et des pêcheurs. Et qu'on éteint. A rallumer si besoin. La mer étant peu agitée, on se cherche quelques difficultés dans les vagues des passes-à-cailloux. On fait des zigs et des zags, on a le temps, et on prend des photos, on savoure le moment, le paysage, les couleurs du ciel et de la mer. Deux phoques montrent le bout de leur nez avant qu'on ait dépassé Meneham. Longtemps qu'on ne les avait vus !!! Des cormorans et quelques goélands contemplatifs nous regardent passer, du haut des rochers, tandis que des huitriers-pies nous accompagnent de leur vol et de leurs cris.
Là-bas se dresse le phare de l'île Vierge, but de notre voyage.
crédit photo

Quand on ne rase pas trop le littoral (phénomènes de contre-courant) on est tiré par la marée descendante (coeff 80). Défile le château d'eau de Kerlouan, la SNSM, Neiz Vran. Passe un sterne solitaire qui nous salue du bout de l'aile. Et voici l'Ile aux vaches qui marque l'entrée du port de Tressény en Guissény. Pas toujours aussi gentille la mer à cette pointe.... Jolis mouvements d'eau à l'entrée de la baie qui pourraient être déstabilisants. On s'y glisse, on visite et on contemple. Là-bas des marcheurs déambulent sur le sentier littoral.
On met le cap sur le Centre nautique du Kurnig pour arrêt technique... Il est 10h. Le petit vent frais incite à se couvrir. Bien net le phare de la Vierge là-bas avec son petit compagnon: déjà un bon bout de chemin parcouru. Photos.

On passe la pointe ouest de la baie qui laisse Guissény derrière nous, et voici la longue plage du Vougot sur fond de collines et de verdure : le décor a changé.

Il faut se méfier des rochers qui affleurent au bas des plages, trouver un compromis entre naviguer au large dans le courant porteur, et le rase-cailloux, ses pièges rocheux, ses remous et ses contre-courants, qui permet de mieux admirer le littoral.

Défilent de longues plages séparées par des pointes rocheuses, puis on approche du charmant petit port du Koréjou en Plougerneau, protégé par une barre de roches percée encore, à notre arrivée, d'un passage vers la haute mer et qui laisse voir la pointe du phare de la Vierge qui paraît tout près. Superbe.

Il est midi, les lumières et les couleurs se font plus intenses. On choisit un atterrissage sur une plage de sable au pied du Centre nautique. Le petit vent du nord qui nous a accompagné toute la matinée nous incite à nous abriter près de la jetée, bien installés sur des rochers accueillants et ensoleillés.

On discute avec un kayakiste qui prend la direction de lʼÎle de Sieck sur un kayak “fait main”. Le beau temps donne des démangeaisons dans les pagaies! Pique-nique. Bien reconstituant. Qui se termine par thé et plaques de chocolat. Les gourmands !
crédit photo

On se repose, on se prélasse, et l'ordre de départ doit être donné avec un rien d'autorité pour qu'enfin les kayaks soient mis sur les chariots et rejoignent, cahincaha, sur une plage toute bosselée, la mer qui s'est retirée pendant la pause. Il est presque 13h30 et la renverse est à 14h15.

Les couleurs sont intenses et magnifiques. Verts et bleus sur le brun des roches. Les passes sont à sec et il nous faut contourner la barre. Des pêcheurs perchés nous demandent de l'aide pour récupérer un flotteur hors de leur portée. Nous longeons des rochers dressés en falaise et couronnés d'une croix : l'ermitage de la pointe St Michel.

Voici devant nous le phare de l'Ile Vierge sur un vaste socle de roche, dans un écrin de beauté...

Mais passée la dernière pointe ça secoue. Une belle houle serrée venue du large s'écrase sur les rochers qu'il vaut mieux ne pas trop frôler. Le tohu-bohu de la renverse... Faut mériter la dernière étape.
C'est là qu'une kayakiste demande de l'aide: une crampe ! Les autres s'approchent de chaque côté de son kayak qu'ils saisissent et stabilisent. Pour que le radeau ainsi formé ne soit pas déporté sur les rochers où les vagues s'écrasent et rebondissent, un bout fixé sur une ligne de vie d'un des kayaks et muni d'un large mousqueton est rapidement accroché à une bouée qui se trouve là. Les pagaies sont sécurisées. La patiente peut se réhydrater, déjuper, sortir ses jambes et se faire gentiment masser le pied et le mollet par sa voisine. Tout ça au milieu de la houle, en toute sécurité et dans une parfaite sérénité. On prend le temps qu'il faut et on repart.

Au pied de l'Ile on cherche un accès à une petite plage, au bas d'un escalier qui monte vers le phare. Quelques kayaks de pêche s'y sont déjà posés.

On calcule la montée de l'eau pendant le temps prévu pour la visite, et on hisse les kayaks hors de portée. On est arrivés !!! Et il est 14h45.

On se tord le cou pour admirer le phare le plus haut d'Europe avec ses 82m, et le plus haut du monde en pierre de taille. Majestueux. Et qu'on aimerait visiter... D'une portée de 52 km. Escorté d'un phare plus ancien de 31m.

Tandis que deux partent faire le tour de l'île sous les protestations véhémentes des goélands, la troisième, qui connaît, va se baigner en contemplant le paysage et en surveillant les kayaks du coin de l’œil.

Entre Lilia et le phare c'est un champ de cailloux, un chaos de roches.
Les premiers marcheurs sont encore loin. On a pas envie de mettre fin à la balade ni de les attendre. Et si on allait plus loin? Mais plus loin, cʼest lʼAber Wracʼh et on connaît déjà.
crédit photo

Vers l'est l'antenne de Kerlouan nous fait de l’œil, épaulée par le château d'eau. Et si on repartait? On se fera récupérer en route si la fatigue se fait sentir. On téléphone à notre chauffeur (vive les portables !).

Et on repart.... Pour profiter du courant de la montante et aller au plus court on met le cap sur l'Île aux vaches dont on aperçoit la pointe.
Le mer est plus agitée que le matin, la lumière a changé et on ne se lasse pas du paysage, du littoral vu de plus loin et des rochers du large vus de plus près... Il nous faut surveiller la houle qui vient du large, poussée par la marée, qui casse sur un rocher et déferle avec violence sur le suivant. Mieux vaut ne pas être entre les deux !
Dans cette zone de navigation pleine de roches, tout change très vite, une vague se lève soudain sur une roche, qui ne le faisait pas avant. Question de niveau d'eau et, avec un coefficient de marée de 80, le niveau change vite.

Sympa de naviguer au large : un trio de fous de Bassan, le plus grand oiseau de mer d'Europe, nous survole de près en formation , virant sur l'aile. On peut voir leur majestueuse envergure, la pointe noire de leurs ailes, leur long bec, leurs yeux soulignés de noir et le jaune marquant leur tête. Magnifique!
Les Fous de Bassan - crédit photo Laurent

On s'offre une pause en radeau en pleine mer: eau, fruits secs, céréales, chocolat. Faut bien alimenter les moteurs !!!
Sur une rando de cette longueur, il faut être attentif au comportement de chacun : le corps qui se raidit, le visage qui se creuse, l'attention qui se relâche, un net ralentissement, appellent à la pause, voire au remorquage. Il faut savoir réagir avant la défaillance.

Plus tard on décide de se rapprocher de la plage du Vougot pour capter le réseau et prévenir les marcheurs que l'on a pris sur l'eau le chemin du retour et qu'ils ne s'inquiètent pas de ne pas nous voir à Lilia. On prévient aussi notre chauffeur de ne pas se déranger.

On passe la première pointe de la baie de Guissény. Au plus large de la baie la traversée paraît longue, aussi on se pose sur la dernière plage où s'insère l’Ile aux vaches encore presqu’île à mi-marée. Il est 17h3O. Message au CNBP pour dire que tout va bien, qu'on sera rentré dans deux heures.

On s'allonge dans la tiédeur des rochers, on se baigne, on grignote. Pas belle la vie ? Le phare de l'île Vierge paraît déjà loin. Belle équipée en une étape !

Et c'est reparti dans la lumière douce de fin d'après-midi. La mer a monté et rendu l'île à la mer, nous évitant de la contourner. Nous voici en territoire connu : Nez-Vran en Kerlouan. Jusquʼà Brignogan, c'est truffé de rochers et de passes à cailloux. Restons vigilants...
On met le cap sur le phare, “notre” phare et sa jolie silhouette familière qui semble nous encourager de loin.

On laisse dernière nous le château d'eau, puis Meneham, adaptant le rythme et faisant des pauses en mer en fonction de l'état des troupes...
Puis voici le phare et ses barres rocheuses dont on connaît bien les passes... et les pièges. Les vagues se brisent en bouquets d'écume sur les rochers nombreux.
On est passé ! Voici la grande silhouette des Chardons bleus dont les abords ne sont pas toujours faciles non plus.
Enfin le sémaphore. Évidemment à cet endroit on se fait toujours secouer par des déferlantes-surprises. Pas d'exception à la règle: dans une passe des vagues arrivent soudain de tous les côtés, couvrant et découvrant des rochers sous nos coques. Bon, c'était pas si méchant puisqu'on est tous à l'endroit.

Enfin le calme de la baie. Là aussi il y a encore du monde sur les plages malgré l'heure qui se fait tardive: 19h30.

La lumière est si belle, les couleurs si profondes et la rando si exceptionnelle, qu'on a du mal à se décider à sortir de nos kayaks...

Mais c'est sûr : l'an prochain on récidive, et on fera des groupes de niveau avec des parcours de longueurs différentes, adaptés à l'endurance de chacun.

L'essentiel étant... de participer !
Avis aux amateurs....
section kayak du Centre nautique de Brignogan-plages


De Phare à Phare - crédit carte Navikayak





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